3 questions au Dr Ingrid Le Page

16 mars 2023 -
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Nous interrogeons aujourd’hui le Dr Ingrid Le Page, médecin généraliste installée à Nice.

1. Qu’est-ce qui vous anime au quotidien ? 

Je suis devenue médecin généraliste avant tout pour « aider » les gens au sens large. La médecine générale est une médecine de premier recours, c’est-à-dire que nous sommes le lien entre le patient et sa santé de manière globale (d’abord physique, mais aussi mentale et sociale). 
Ainsi, chaque jour, nous pouvons être confrontés à toutes sortes de consultations. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de notre métier. Cela va, bien sûr, du patient qui vient pour une pathologie aigüe pour laquelle nous allons le prendre en charge en urgence, à la petite pathologie que nous allons gérer sans problème, en passant par le renouvellement de traitements de fond. 


Nous sommes également le médecin qui coordonne les prises en charge des différents intervenants de la santé du patient (spécialistes, infirmiers, kinésithérapeutes… parfois même assistants sociaux).

Aujourd’hui, la médecine générale devient également une médecine de prévention. Ainsi, une consultation peut se conclure sans qu’il n’y ait eu aucune prescription de traitement, mais une discussion, un échange, une écoute, des explications données à un patient sur le suivi qu’il serait recommandé de faire au cours des prochaines années, même en l’absence de tout symptôme. 

Pour résumer, j’aime croire qu’à chaque consultation, et quel qu’en soit le motif présumé, nous pouvons faire quelque chose qui contribue à la santé du patient au sens global du terme.

2. Les remplacements, ça se passe comment pour vous ? 

J’en ai effectué régulièrement, avant de m’installer en collaboration avec la médecin généraliste que je remplaçais depuis près de 2 ans. 
J’ai eu beaucoup de chance concernant les remplacements au début de mon installation, il y a un peu plus d’un an. Ma collaboratrice avait, dans sa patientèle, un interne en médecine générale qui finissait justement ses stages. Ainsi, depuis ce jour, il nous a remplacé chacune un jour par semaine et durant les vacances scolaires. Nous avions bien coordonné nos semaines de vacances et n’avions pas eu à chercher de second remplaçant, jusqu’à ce début d’année 2023. 


Notre remplaçant a dû en effet s’absenter pendant plusieurs mois, au cours desquels nous n’avons pas trouvé d’autre remplaçant pour nos jours d’absence…
Je suis donc aujourd’hui à la recherche d’un remplaçant : j’ai pour cela posté une annonce de demande de remplacement, d’une part auprès du département de médecine générale de la faculté de médecine de Nice et d’autre part sur un site régional.

À ce jour, je n’ai pas reçu de réponse et je vais probablement devoir passer une semaine de vacances sans mes enfants, car je ne me vois pas fermer le cabinet pendant une semaine complète.

3. Quel enjeu pour la santé de demain ? 

Le premier enjeu est de maintenir l’accès aux soins pour tous. Ce qui n’est, selon moi, plus garanti sur les mois à venir, au vu des échanges en cours sur la revalorisation des consultations de médecine générale. Il s’agit aujourd’hui de revoir les tarifs proposés, sans pour autant soumettre les médecins à des contraintes supplémentaires. 
Notre métier demande déjà un réel engagement personnel puisque nous prenons soin de la santé des gens et sommes soumis de manière quotidienne à la pression que cela peut occasionner. 

Le vrai risque encouru aujourd’hui est celui d’une déconvention massive des médecins généralistes qui occasionnerait une médecine à deux vitesses, ce que l’on ne souhaite vraiment pas voir arriver en France. L’une des grandes problématiques de santé est de réguler l’accès aux urgences, mais si les solutions proposées aboutissent à un déconventionnement de nombreux médecins ou à des changements de voies, les urgences vont au contraire être davantage surchargées. Il faut bien être conscient que l’hôpital public, qui est déjà actuellement dans une condition précaire, va couler si le rempart de la médecine générale n’existe plus. 

Ce que veulent les médecins généralistes, c’est avant tout de pouvoir continuer à exercer leur métier de manière convenable, tout en ayant le droit d’avoir une vie à côté. Cela passe nécessairement par une revalorisation des consultations pour faire face à l’inflation, mais aussi car le temps administratif passé est de plus en plus important. Nous aimerions pouvoir nous en décharger, engager un(e) secrétaire, afin de récupérer du temps médical, mais tout cela a, bien entendu, un coût. 

On ne peut pas, pour améliorer la situation actuelle, demander aux médecins installés qui sont déjà fortement investis, d’en faire davantage. Cela aboutira nécessairement à des déconventions, des changements de métier ou des situations de burn-out. On risque aussi de briser d’éventuelles vocations, de détourner les futurs médecins de la médecine générale. 

La médecine générale, à condition de pouvoir l’exercer de manière convenable, est passionnante et riche. Elle est globale et comporte de multiples facettes, c’est la médecine qui prend en compte la santé du patient dans son ensemble. 

Mon enjeu, à titre personnel, est de toujours garder à l’esprit qu’à chaque consultation, j’ai face à moi un être humain unique, avec ses propres problèmes médicaux, socio-familiaux, sa propre sensibilité dont je dois tenir compte au maximum. Ce qui est de plus en plus compliqué quand il faut également penser à ses contraintes de rentabilité tout en continuant à se dégager du temps personnel et familial.

3 Questions au Dr Ingrid Le Page sur les remplacements médicaux.
Dr Ingrid Le Page
Médecin Généraliste installée